Zita dans la peau d'une obèse: une émission choquante
Ce programme supposé pédagogique tombe dans l’amalgame simpliste en confondant l’hyperphagie compulsive et l’obésité alors que ce sont deux maladies distinctes : puisqu’on peut être obse sans souffrir d’hyperphagie et inversement.
Sous couvert de traiter une thématique de santé publique - le problme du surpoids -, ce programme véhicule l’image de l’obse coupable de gloutonnerie et de manque de volonté. Une telle expérience “journalistique” va pourtant à l’encontre de tout protocole scientifiquement validé, puisqu’elle est basée sur les caractéristiques d’une seule personne et généralisée à toutes les autres : les gros.
De l’art de choisir au hasard une femme avec une obésité morbide qui présente des troubles des conduites alimentaires (de type boulimie et hyperphagie compulsive), puis demander à une personne de poids “normal”, c’est-à-dire ici sans trouble alimentaire particulier, de calquer son régime au gramme prs, pendant un mois. La journaliste aurait tout aussi bien pu calquer les repas d’une femme en surpoids, ayant multiplié les régimes au détriment de son métabolisme, l’obligeant à consommer de moins en moins de calories pour pouvoir maigrir, sa prise alimentaire aurait alors diminué au lieu d’augmenter. Mais cela n’aurait pas été dans le sens voulu par ce programme caricatural.
Zita, la journaliste, en se prêtant à ce jeu funeste, accepte de mettre sa santé en danger en multipliant par trois sa prise alimentaire quotidienne, et ce, du jour au lendemain, oblitérant totalement le fait que son métabolisme n’a pas eu le temps de s’adapter. Les conséquences immédiates sont aussi prévisibles que l’on peut s’y attendre : insomnie, nausée, vomissements, douleurs digestives, bouffées de chaleurs, etc. Mais quand elle se voit réveillée au milieu de la nuit pour faire un petit en-cas de crevettes et chocolat, elle y va… Une expérience absurde, inutile et dangereuse pour la jeune femme et dont la caution scientifique repose sur la seule présence d’un médecin nutritionniste qui se contente de lui souffler quelques recommandations de bon sens, et de prendre son tour de taille et son poids avant et aprs ladite expérience…
La question qu’on est en droit de se poser est comment peut-on proposer un tel programme ? Quelle est sa crédibilité ? A la différence du film Supersize me où l’on découvrait un homme qui ne se nourrissait exclusivement que de fastfood, pour en dénoncer laddiction et les conséquences néfastes sur la santé, on peut se demander quelle est la portée de l’expérience de Zita. Plusieurs pistes sont possibles :
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S’agit-il de dénoncer la surconsommation ? On entre effectivement dans le supermarché en regardant avec effarement le remplissage du caddy par des montagnes de tablettes de chocolat, pain, pot de pâtes à tartiner, autant d’aliments industriels transformés riches en graisses et en sucre. Mais encore une fois, il s’agit d’une personne et de la généralisation de son comportement à toutes les autres.
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Souhaite-ton montrer la facilité qu’a le corps à s’adapter et à tomber dans l’addiction alimentaire ? C’est le cas ici puisque la journaliste qui consomme ses 6000 calories par jour a fini par s’y habituer, développant une gourmandise vorace, et s’étonne même de n’avoir pris que 4 kilos… videmment dans cet exemple comme dans d’autres, le corps a de grandes facultés d’adaptations aux différentes variations de poids. Mais il a aussi une bonne mémoire, et le phénomne bien connu du yoyo en est la preuve, plus on joue avec son poids, plus on aura du mal à maigrir pour le maintenir dans sa norme.
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Veut-on prouver l’inconscience et le déni des personnes atteintes d’hyperphagie ? Nous découvrons le quotidien d’une femme qui mange quasiment tout le temps, en grande quantité, privilégiant des plats trs riches, qui grignote et se relve la nuit pour manger. Nous écoutons ses proches et leur désapprobation de son mode de vie, portant un discours moralisateur sur l’inconscience de cette dame. Exit les souffrances psychiques de cette personne et les raisons qui la maintiennent dans son comportement, l’émission les balaye d’une phrase lui préférant l’hypothse plus télégénique du déni revendiqué et de la culpabilisation affligée de l’entourage.
Exit également les questions sur les autres causes du surpoids : la sédentarité, les variations de métabolisme selon les personnes, les facteurs génétiques, les régimes à répétition, les repas pris en 5 minutes, la prise de certains médicaments, le facteur social, le stress qui favorise la production de Cortisol, l’hormone du stockage des graisses, et tous les autres facteurs liés à la prise de poids.
La boulimie est un trouble alimentaire qui relve de l’addiction, c’est une maladie. Pour continuer dans cette direction, la chaîne compte-t-elle étendre le concept et demander à sa journaliste-testeuse de se mettre “dans la peau d’une alcoolique” ? d’une “fumeuse depuis 25 ans” ou d’une cocaïnomane ?
Ce genre de programme par l’outrance de son propos, son voyeurisme déplacé et la confusion entretenue volontairement sur les causes et les conséquences de l’obésité, contribue largement à stigmatiser l’image des gros, comme étant des personnes faibles, sans volonté et incapables de se contrler.
Carton rouge pour ce programme diffusé sur M6.
Pour en savoir plus :
Documentaire Super size me
Association G.R.O.S Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids;