L'hypocondriaque
Qui mieux qu’un hypocondriaque peut parler de cette souffrance ? Voici le témoignage d’un grand inquiet de nature qui nous explique à quoi ressemble son univers et les astuces qu’il utilise pour mieux gérer son quotidien trs particulier. Gilles Dupin de Lacoste l’avoue facilement : depuis plus de vingt-cinq ans, ses préoccupations tournent beaucoup autour de sa santé, car il a trs peur de la maladie, de la douleur et de la mort. Ces craintes, somme toute partagées par tout un chacun, prennent chez lui des proportions démesurées.
Tout a commencé par des attaques de panique aussi soudaines quinexplicables : tachycardie, fourmillements, sueurs froides, vertiges, nausées, douleurs diverses. Tous ces symptmes physiologiques intenses lui font croire qu’il est atteint d’une maladie grave, incurable, et qu’il est probablement en train de mourir. La crise passée, il consulte son médecin le docteur Neuburger qui le rassure : ce sont les symptmes classiques de la crise de panique.
Pour témoigner sur ce trouble, il a décidé d’écrire un livre sur le sujet. Il a bien conscience que l’écriture est un outil thérapeutique trs fort et que ses écrits vont lui permettre de mettre en mots ses souffrances aussi bien que découvrir les facteurs déclencheurs de ces crises. Ainsi, les dépenses du ménage quand il n’est encore qu’un jeune homme peu argenté, provoquent chez lui une anxiété croissante. Plus tard, lors de l’écriture de cet ouvrage, il loue pour les vacances une petit maison qu’il découvre être un ancien cabinet médical, auquel il associe automatiquement les notions de maladie et de mort : cela suffit à le faire basculer dans l’angoisse. Parfois un simple mot suffit à provoquer une crise : sang, hpital, sombre, clinique, etc.
Petit à petit, les visites médicales lui confirment un état de santé normal, mais également une tendance à somatiser de manire excessive ses soucis du quotidien. La prise d’un anxiolytique lui permet de calmer considérablement la survenue des crises, confirmant l’hypothse d’une psychosomatisation.
Avec autodérision, l’auteur assume son hypocondrie et ses conséquences sur sa vie sociale :
- D’être connu des pompiers et des services d’urgences,
- De s’approprier toutes sortes de connaissances médicales pointues (le moindre symptme qui sort de l’ordinaire est décortiqué, analysé) afin d’adapter son discours et apparaître crédible,
- De penser à la maladie et à la mort quasiment tout le temps et d’en parler le plus souvent possible afin de comprendre la gense de l’angoisse,
- D’être étiqueté comme tel, car pour lui, ce n’est pas une maladie, mais un particularisme, un moyen de se différencier des autres par cet aspect atypique de sa personnalité.
Jalonnant son texte d’histoires vécues et d’anecdotes d’autres hypocondriaques, Gilles Dupin de Lacoste décrit son anxiété quotidienne avec bienveillance et humour tout en affirmant qu’il est heureux. Un témoignage authentique et émouvant, drle et singulier qui permet de dédramatiser le prisme déformant de l’hypocondrie.
Extrait :”Quand on parle de l’hypocondrie à des amis, en soirée, et qu’on s’en amuse, cela fait partie d’une mise en scne, il y a une gestuelle, il y a le regard des autres, on se prend à son propre jeu, on a conscience d’amuser. On sait trs bien, en y repensant, que les crises font souffrir mais on se fait une raison, car dans le regard des autres on sent de l’intérêt, soit parce qu’ils sont curieux de votre état, dont ils se sentent à mille lieues, soit parce qu’ils sont proches d’y basculer mais n’osent l’avouer.”
Paru chez Payot & Rivages
169 pages;